Digitalisation de l’enseignement de la musique: quelles leçons tirer ?

Les phases de crise liées au Covid-19 semblent derrière nous. Il est l’heure de se pencher avec du recul sur les chamboulements apportés par ces épisodes qui ont mis à rude épreuve l’adaptabilité et la résilience des élèves et des enseignant·es du Conservatoire de Lausanne.

Concernant l’enseignement en ligne, le constat est globalement positif car « il n’y a pas eu de rupture, ni de retard », comme le confie un·e enseignant·e. Cependant, une grande flexibilité ainsi qu’une certaine humilité ont été de mise pour faire face à « la temporalité de la leçon qui change totalement, en raison notamment des soucis de connexion internet et de la mauvaise qualité du son », précise Delphine Gillot, enseignante de chant au Conservatoire de Lausanne. De plus, il demeure épineux de « transmettre encouragements et enthousiasme – nécessaires à tout bon enseignement – à travers un écran », comme le détaille un·e autre enseignant·e. Ce rajoute à cela le fait que les cours en ligne ne permettent aucun contact avec l’élève, ce qui rend impossible de corriger un placement lorsque l’on parle de chant, ou de transmettre les sensations d’un touché adéquat pour les instruments. Enfin, les deux enseignant·es sont unanimes : la transmission de nuances d’interprétation n’est pas possible à distance.

Du côté des élèves, une « responsabilisation accrue » a pu être observée chez certain·es. Selon Delphine Gillot, les réactions « étaient assez variables : certains se sont sentis très à l’aise, comme si la distance leur faisait du bien, mais d’autres étaient perdus. » Les cours en ligne ont donc été très utiles de façon temporaire pour éviter du retard dans les différents cursus, mais ne sauraient en aucun cas remplacer les cours en présentiel. Ainsi, le seul aspect positif à long terme évoqué par les deux enseignant·es est que les expériences faites durant la pandémie permettront désormais d’avoir une option de secours en cas d’absence des élèves (déplacement à l’étranger, incapacité des parents à conduire leurs enfants au cours, etc.).

En plus des cours, dans l’optique de garder l’attention des élèves éveillée, Delphine Gillot a pris l’initiative de développer un blog d’enseignement. Elle raconte : « Avant le semi-confinement, j’organisais beaucoup d’auditions de musique de chambre, ainsi que des chauffes collectives, créant ainsi une belle cohésion. J’ai alors pensé à une plateforme d’échanges afin de conserver les liens tissés et c’est ainsi que m’est venue l’idée du blog. » En postant quotidiennement un tutoriel, Delphine Gillot a su tendre un fil rouge virtuel dans l’apprentissage de ses élèves. Seul bémol : cela prend énormément de temps. « Les journées ne comptant que 24 heures, je suis souvent à court de temps pour m’y consacrer autant que je le voudrais », explique-t-elle à regret.

Enfin, les auditions aussi ont été impactées. Là encore une polyvalence et une créativité de chaque instant ont été nécessaires. En effet, afin de palier à l’impossibilité pour le public de se rendre sur place, certaines auditions ont été diffusées en streaming. L’organisation de telles auditions a représenté un « réel défi et de gros efforts » pour un·e enseignant·e. Il·elle ajoute : « Je n’étais pas du tout habitué·e à utiliser les logiciels mis à disposition par le Conservatoire de Lausanne, ce qui était source d’inquiétude pour moi. L’enjeu est très important, tant pour les familles afin de voir leurs enfants, que pour les élèves de mesurer l’évolution de leur parcours musical. » Il·elle reconnaît cependant quelques aspects plus positifs. « Cela a pris des proportions très différentes. Une des auditions a même voyagé jusqu’en Amérique du sud ! », se réjouit-il·elle. Enfin, il·elle conclut en expliquant : « Je suis content·e de l’avoir fait. Je me sens désormais plus en confiance et j’ai appris des choses. »