Concourir devant la caméra

Il est un habitué des concours, Samuel Gogniat. Pourtant, en 2021, ce n’est pas devant l’œil expert d’un jury qu’il a dû se présenter, mais devant celui d’une caméra.

« J’ai participé à l’International Percussion Youth Competition, qui se tient habituellement en Belgique. C’était mon premier concours par vidéo, une expérience assez étrange… J’ai enregistré mes morceaux dans une salle entièrement vide, au Conservatoire de Lausanne, avec seulement mon père pour s’occuper de la caméra. Puis j’ai envoyé les vidéos sur le site du concours, et la cérémonie de remise des prix a eu lieu en direct sur internet. C’était un peu bizarre et impersonnel », se souvient le percussionniste âgé de 16 ans, étudiant en Pré-HEM dans la classe de Romain Kuonen.

Si l’expérience numérique s’est révélée plutôt concluante, vu que le musicien a remporté à cette occasion un 1er prix de caisse claire et un 2e prix de marimba, elle n’a pas grand-chose à voir avec ce qui fait la saveur d’un concours en présence – les interactions avec les autres participant·es, la tension de la performance, les retours des experts… « Lorsqu’on est en présence d’un jury, on sait qu’on n’a droit qu’à une seule chance. On y va à fond et on donne tout ce qu’on a ! Tandis qu’en vidéo, on sait qu’on peut rejouer autant de fois qu’on veut. C’est une énergie très différente, même si j’ai souvent fini par garder la première prise, qui était généralement la meilleure. »

Une interprétation devant caméra qui, pour son professeur, n’a pas nécessité de grands changements dans l’approche pédagogique. « On s’est préparés comme à un concours traditionnel. J’étais là au moment de l’enregistrement, mais je l’ai laissé faire lui-même son choix des pièces et des meilleures prises. Tout cela s’est fait assez naturellement », assure Romain Kuonen, qui regarde avec un certain scepticisme cette tendance à la numérisation de la performance musicale. « Mais il est vrai que l’enregistrement en vidéo, hérité de cette période de cours à distance, est une pratique que j’ai conservée dans mon enseignement : lorsque les élèves se filment, cela leur apprend aussi une certaine manière de travailler et de s’auto-évaluer. »

Des compétences particulièrement utiles dans notre société de l’image, comme a pu le constater également le père de Samuel, qui s’est occupé de l’aspect technique des performances de son fils. « J’ai assez vite investi dans du matériel pour réaliser des vidéos avec lui, car j’ai bien vu que cela pouvait avoir un réel impact de produire des vidéos de qualité, plutôt que de simples captations au smartphone », témoigne Matthieu Gogniat. 

Quant à Samuel, il a mis à profit son expérience devant la caméra pour postuler ensuite au concours numérique du Verbier Festival Junior Orchestra, qu’il rejoindra durant l’été 2022. Et surtout, il vient de passer son concours d’entrée pour l’HEMU… lui aussi en vidéo.